Courant ionique le long de nano-canaux

Les membranes (naturelles ou artificielles) sont omniprésentes. Elles assurent la compartimentation, chez les organismes vivants à toutes les échelles (noyau, mitochondrie, cellule, organe, organisme), mais aussi dans tous les dispositifs électrochimiques artificiels (piles, batteries). Fondamentalement, le rôle de cette compartimentation est de ralentir les réactions chimiques entre constituants de chaque compartiment. Mais ces réactions chimiques sont néanmoins nécessaires pour le fonctionnement du dispositif. La membrane joue donc un rôle double et contradictoire : elle doit séparer, mais pas trop. Pour cela les membranes sont généralement pourvues de pores (des trous dont la longueur et le diamètre sont du même ordre de grandeur) ou de canaux (des trous beaucoup plus long que le diamètre) permettant le transport d’ions ou de molécules d’un compartiment à l’autre. Nous nous sommes intéressés à ces derniers.

Les propriétés d’un liquide, par exemple un électrolyte, dans un canal nanométrique sont très différentes de celles qui sont communément observées dans un espace beaucoup plus large. Le confinement perturbe l’organisation des molécules entre-elles (par exemple le réseau transitoire que forment les molécules d’eau) et donne aussi une importance particulière aux phénomènes qui se produisent à la surface.

Ces deux types d’effet sont supposés avoir une incidence sur le transport transmembranaire. Nous les avons étudiés par des mesures de transport électrique dans les nano-canaux de membranes artificielles. Au-delà de certains aspects techniques qui ont été abordés, les principaux faits expérimentaux qui ont été établis sont les suivants.

Concernant le premier type d’effet, nous avons montré que selon l’électrolyte le transport était facilité ou géné par rapport à ce qu’il est dans un grand espace et avons relié cet effet à une analyse du bruit du courant, c’est à dire une analyse des corrélations temporelles de la conductance.

Quant au second, on s’attend en particulier à un rôle important de la forme du canal. Lorsque le transit est suffisamment lent pour que les ions aient le temps d’explorer transversalement par mouvement brownien le canal, les variations longitudinales de sa section produisent un gradient d’entropie auquel correspond une force d’autant plus grande que les ions sont gros. Aussi lorsque le canal a une forme asymétrique, cet effet peut induire un mécanisme anti-retour similaire à une roue à cliquet ou au clapet d’une pompe fonctionnant à un niveau moléculaire. Ces systèmes sont connus sous le nom de “rochets browniens” car le moteur en est l’agitation thermique et l’entropie.

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Transport ionique dans un nano-canal conique (échelle non respectée). Sa forme conique créé une composante entropique dans le potentiel des transporteurs de charge qui lui donne le profil d'un rochet.

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