Membranes biologiques et pores peptidiques

L’interaction des membranes cellulaires avec les molécules adsorbées à leur surface et la façon dont l’incorporation de ces molécules s’opère sont encore assez mal comprises. Nous nous sommes intéressés aux peptides antimicrobiens qui constituent la clé de voute du système immunitaire inné des organismes pluricellulaires. Essentiellement, ces peptides rendent les membranes perméables en y formant des pores. Leur présence universelle dans les règnes animal et végétal, leur action non-spécifique et à large spectre ainsi que leur structure très élémentaire laissent entrevoir un mode d’action selon des mécanismes physiques eux aussi très généraux et universels.

Nous avons traité ce problème au moyen d’expériences dites de «tension imposée» (consistant à mesurer le courant ionique transmembranaire lorqu’on y applique une tension électrique) et de réflectivité des neutrons. En particulier, nous avons montré que l’ouverture des pores présente une dynamique lente et typique de la transition vitreuse, qui pourrait être gouvernée par les fluctuations en surface de la concentration des peptides telles qu’elles sont prévues par le modèle RSA (pour «Random Sequential Adsorption»). Nous nous sommes également intéressés à la thermodynamique de l’ouverture des pores en fonction de la tension électrique transmembranaire et de la température. Nos résultats nous permettent de proposer un nouveau mécanisme physique où l’adsorption des peptides et le champ électrique tendent tous deux à courber la membrane et dans lequel le coût entropique majeur de l’ouverture d’un pore provient d’un effet « d’aire exclue » pour la translation des lipides.

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L'équilibre entre l'adsorption des peptides (ici symbolisés par les cylindres) et leur insertion dans la membrane pour former un pore dépend de l'énergie thermique et du champ appliqué.

Incidement, il est amusant de noter que ces pores se comportent comme des diodes permettant de redresser le courant électrique (de façon similaire à une roue à rochet/cliquet fonctionnant à un niveau moléculaire et que ceci est permis grâce à l’énergie thermique. Ces systèmes sont connus sous le nom de “rochets browniens” .

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